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CONSTITUTION DOGMATIQUE
SUR LA FOI CATHOLIQUE
DÉCRÉTÉE DANS LA IIIe SESSION DU CONCILE ŒCUMÉNIQUE DU VATICAN.
PIE, ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU


Le saint Concile approuvant, en perpétuel souvenir. 
Le Fils de Dieu et Rédempteur du genre humain, Notre-Seigneur Jésus-Christ, sur le point de retourner à son Père céleste, a promis d'être avec son Église militante sur la terre, tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles. C'est pourquoi, il n'a cessé jamais en aucun temps d'être près de son épouse bien-aimée, de l'assister dans son enseignement, de bénir ses œuvres et de la secourir en ses périls. Or, tandis que cette Providence salutaire a constamment éclaté par beaucoup d'autres bienfaits innombrables, elle s'est montrée très-manifestement par les fruits abondants que l'univers chrétien a retirés des Conciles, et nommément du Concile de Trente, bien qu'il ait été célébré en des temps mauvais. En effet, grâce à cette assistance, les dogmes très-saints de la religion ont été définis avec plus de précision et exposés avec plus de développements, les erreurs condamnées et arrêtées, la discipline ecclésiastique rétablie et plus solidement raffermie, le clergé excité à l'amour de la science et de la piété, des collèges établis pour préparer les adolescents à la sainte milice, enfin les mœurs du peuple chrétien restaurées par un enseignement plus attentif des fidèles et par un plus fréquent usage des sacrements. Par là encore la communion des membres avec le chef visible a été rendue plus étroite et une nouvelle vigueur a été apportée à tout le corps mystique du Christ ; les familles religieuses se sont multipliées ainsi que d'autres institutions de la piété chrétienne ; et par là aussi une ardeur constante et assidue s'est montrée, jusqu'à l'effusion du sang, pour propager au loin dans l'univers le règne de Jésus-Christ.


Cependant, tout en rappelant, comme il convient à Notre âme reconnaissante, ces bienfaits insignes et d'autres encore, que la divine Providence a accordés à l'Église, surtout par le dernier Concile œcuménique, Nous ne pouvons retenir l'expression de notre douleur amère à cause des maux très-graves survenus principalement parce que, chez un grand nombre, on a ou méprisé l'autorité de ce saint Synode ou négligé ses sages décrets. 


En effet, personne n'ignore qu'après avoir rejeté le divin magistère de l'Église, et les choses de la religion étant laissées ainsi au jugement privé de chacun, les hérésies proscrites par les Pères de Trente se sont divisées peu à peu en sectes multiples, de telle sorte que, séparées d'opinion et se déchirant entre elles, plusieurs enfin ont perdu toute foi en Jésus-Christ. Ainsi elles ont commencé à ne plus tenir pour divine la sainte Bible elle-même, qu'elle affirmaient autrefois être la source unique et le seul juge de la doctrine chrétienne, et même à l'assimiler aux fables mythiques.


C'est alors qu'a pris naissance et que s'est répandue au loin dans le monde cette doctrine du rationalisme ou du naturalisme qui, s'attaquant par tous les moyens à la religion chrétienne, parce qu'elle est une institution surnaturelle, s'efforce avec une grande ardeur d'établir le règne de ce qu'on appelle la raison pure et la nature, après avoir arraché le Christ, notre seul Seigneur et Sauveur, de l'âme humaine, de la vie et des mœurs des peuples. Mais la religion chrétienne étant ainsi laissée et rejetée, Dieu et son Christ niés, l'esprit d'un grand nombre est tombé dans l'abîme du panthéisme, du matérialisme et de l'athéisme, à ce point que, niant la nature raisonnable elle-même et toute règle du droit et du juste, ils s'efforcent de détruire les derniers fondements de la société humaine.


Il est donc arrivé malheureusement que, cette impiété s'étendant de toutes parts, plusieurs des Fils de l'Église catholique eux-mêmes sont sortis du chemin de la vraie piété, et qu'en eux le sens catholique s'est oblitéré par l'amoindrissement successif des vérités. Car, entraînés par des doctrines diverses et étrangères, et confondant à tort la nature et la grâce, la science humaine et la foi divine, ils finissent par altérer le sens propre des dogmes que tient et enseigne notre Mère la sainte Église, et par mettre en péril l'intégrité et la sincérité de la foi.


En présence de toutes ces calamités, comment se pourrait-il faire que l'Église ne fût pas émue jusqu'au fond de ses entrailles ? Car, de même que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et qu'ils arrivent à la connaissance de la vérité, de même que Jésus-Christ est venu afin de sauver ce qui était perdu et de rassembler dans l'unité les enfants de Dieu qui étaient dispersés ; de même l'Église, établie par Dieu mère et maîtresse des peuples, sait qu'elle se doit à tous, et elle est toujours disposée et préparée à relever ceux qui sont tombés, à soutenir les défaillants, à embrasser ceux qui reviennent à elle, à confirmer les bons et à les pousser vers la perfection. C'est pourquoi elle ne peut s'abstenir en aucun temps d'attester et de prêcher la vérité de Dieu qui guérit toutes choses, car elle n'ignore pas que c'est à elle qu'il a été dit : " Mon Esprit qui est en toi et mes paroles que j'ai posées en ta bouche ne s'éloigneront jamais de ta bouche, maintenant et pour l'éternité (Is. LIX, 21). "


C'est pourquoi, persistant à marcher sur les traces de Nos prédécesseurs, et selon le devoir de Notre charge apostolique, Nous n'avons jamais cessé d'enseigner et de défendre la vérité catholique et de réprouver les doctrines perverses. Mais, à présent, au milieu des Évêques du monde entier siégeant avec Nous et jugeant, réunis dans le Saint-Esprit par Notre autorité en ce synode œcuménique, appuyés sur la parole de Dieu écrite ou transmise par la tradition, telle que nous l'avons reçue, saintement conservée et fidèlement exposée par l'Église catholique, Nous avons résolu de professer et de déclarer, du haut de cette chaire de Pierre, en face de tous, la doctrine salutaire de Jésus-Christ en proscrivant et condamnant les erreurs contraires avec l'autorité qui nous a été confiée par Dieu.





CHAPITRE Ier.


De Dieu, Créateur de toutes choses.
La sainte Église catholique apostolique romaine croit et confesse qu'il y a un seul Dieu vrai et vivant, Créateur et Seigneur du ciel et de la terre, tout-puissant, éternel, immense, incompréhensible, infini en intelligence et en volonté et en toute perfection ; qui, étant une substance spirituelle unique, absolument simple et immuable, doit être proclamé comme réellement et par essence distinct du monde, très-heureux en soi et de soi, et indiciblement élevé au-dessus de tout ce qui est et peut se concevoir en dehors de lui.


Ce seul vrai Dieu, par sa bonté et sa vertu toute-puissante, non pas pour augmenter son bonheur, ni pour acquérir sa perfection, mais pour la manifester par les biens qu'il distribue aux créatures, et de sa volonté pleinement libre, a créé de rien, dès le commencement du temps, l'une et l'autre créature, la spirituelle et la corporelle, c'est-à-dire l'angélique et celle qui appartient au monde, et ensuite la créature humaine formée, comme étant commune, d'un esprit et d'un corps (Conc. De Latr. IV, c. 1. Firmiter).


Or, Dieu protège et gouverne par sa Providence tout ce qu'il a créé, atteignant avec force d'une fin à l'autre et disposant toutes choses avec suavité (Sagesse, VIII, 1), car, toutes choses sont nues et ouvertes devant ses yeux (Cf. Hébr. IV, 13), même celles qui doivent arriver par l'action libre des créatures.





CHAPITRE II.


De la Révélation.
La même sainte Mère Église tient et enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu par les lumières naturelles de la raison humaine, au moyen des choses créées (Rom. 1, 20) ; " car les choses invisibles de Dieu sont aperçues au moyen de la création du monde et comprises à l'aide des choses créées. " Cependant il a plu à la sagesse et à la bonté de Dieu de se révéler lui-même à nous et de nous révéler les décrets éternels de sa volonté par une autre voie surnaturelle, selon ce que dit l'Apôtre : " Dieu, qui a parlé à nos pères par les Prophètes plusieurs fois et de plusieurs manières, nous a parlé en ces derniers temps et de nos jours par son Fils. (Hébr. I, 1,2). "


C'est bien à cette révélation divine que l'on doit que tous les hommes puissent promptement connaître, même dans l'état présent du genre humain, d'une certitude incontestable et sans aucun mélange d'erreur, celles des choses divines qui ne sont pas de soi inaccessibles à la raison humaine. Cependant, ce n'est pas à cause de cela, que l'on doit dire la révélation absolument nécessaire, mais c'est parce que Dieu, dans sa bonté infinie, a élevé l'homme à une fin surnaturelle, c'est-à-dire pour le mettre en état de participer aux biens divins qui surpassent tout à fait l'intelligence de l'homme, " car l'œil de l'homme n'a point vu, son oreille n'a point entendu, son cœur n'a pu s'élever à comprendre ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment (I. Cor., II, 9). "


Or, cette révélation surnaturelle, selon la foi de l'Église universelle qui a été déclarée par le saint Concile de Trente, est contenue dans les livres écrits et dans les traditions non écrites qui, reçues de la bouche de Jésus-Christ même par les Apôtres, ou transmises comme par les mains des Apôtres, sous l'inspiration du Saint-Esprit, sont venues jusqu'à nous (Conc. de Trent. Sess. IV, Décr. de Can. Script.) Et ces livres de l'Ancien et du Nouveau Testament doivent être reconnus pour saints et canoniques en entier, dans toutes leurs parties, tels qu'ils sont énumérés dans le décret du Concile de Trente et comme on les lit dans l'antique édition latine de la Vulgate. Ces livres, l'Église les tient pour saints et canoniques, non point parce que, composés par la seule habileté humaine, ils ont été ensuite approuvés par l'autorité de l'Église ; et non pas seulement parce qu'ils contiennent la révélation sans erreur, mais parce que, écrits sous l'inspiration de l'Esprit saint, ils ont Dieu pour auteur et qu'ils ont été livrés comme tels à l'Église elle-même. 


Mais parce que quelques hommes comprennent mal ce que le saint Concile de Trente a décrété salutairement touchant l'interprétation de la divine Écriture, afin de maîtriser les esprits téméraires, Nous, renouvelant le même décret, Nous déclarons que l'esprit de ce décret est que, dans les choses de la foi et des mœurs qui concernent l'édifice de la doctrine chrétienne, il faut tenir pour le vrai sens de la sainte Écriture celui qu'a toujours tenu et que tient Notre sainte Mère l'Église, à qui il appartient de juger du vrai sens et de l'interprétation des saintes Écritures ; en sorte qu'il n'est permis à personne d'interpréter l'Écriture contrairement à ce sens, ou même contrairement au sentiment unanime des Pères.





CHAPITRE III.


De la Foi.
Puisque l'homme dépend tout entier de Dieu comme de son Créateur et Seigneur, puisque la raison créée est absolument sujette de la vérité incréée, nous sommes tenus de rendre par la foi à Dieu révélateur l'hommage complet de notre intelligence et de notre volonté. Or, cette foi, qui est le commencement du salut de l'homme, l'Église catholique professe que c'est une vertu surnaturelle, par laquelle, avec l'aide de la grâce de Dieu aspirante, nous croyons vraies les choses révélées, non pas à cause de la vérité intrinsèque des choses perçue par les lumières naturelles de la raison, mais à cause de l'autorité de Dieu lui-même, qui nous les révèle et qui ne peut ni être trompé ni tromper. Car la foi, selon le témoignage de l'Apôtre, " est la substance des choses que l'on doit espérer, la raison des choses qui ne paraissent pas (Héb. XI, 1). "


Néanmoins, afin que l'hommage de notre foi fût d'accord avec la raison, Dieu a voulu ajouter aux secours intérieurs de l'Esprit saint les preuves extérieures de sa révélation, à savoir les faits divins et surtout les miracles et les prophéties, lesquels, en montrant abondamment la toute-puissance et la science infinie de Dieu, sont les signes très-certains de la révélation divine et appropriés à l'intelligence de tous. C'est pour cela que Moïse et les Prophètes et surtout le Christ Seigneur lui-même ont fait tant de miracles et de prophéties d'un si grand éclat ; c'est pour cela qu'il est dit des apôtres : " Pour eux, s'en étant allés, ils prêchèrent partout avec la coopération du Seigneur, qui confirmait leurs paroles par les miracles qui suivaient (Marc XVI, 20). " Et encore : " Nous avons une parole prophétique certaine, à laquelle vous faites bien de prendre garde, comme à une lumière qui luit dans un endroit ténébreux (II. Petr. 1, 19). "


Mais encore bien que l'assentiment de la foi ne soit pas un aveugle mouvement de l'esprit, personne cependant ne peut adhérer à la révélation évangélique, comme il le faut pour obtenir le salut, sans une illumination et une inspiration de l'Esprit saint qui fait trouver à tous la suavité dans le consentement et la croyance à la vérité (Conc. d'Orange II, can. 7). C'est pourquoi la foi en elle-même, alors même qu'elle n'opère pas par la charité, est un don de Dieu, et son acte est une œuvre qui se rapporte au salut, acte par lequel l'homme offre à Dieu lui-même une libre obéissance, en consentant et en coopérant à sa grâce, à laquelle il pourrait résister.


Or, on doit croire d'une foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans les saintes Écritures et dans la tradition, et tout ce qui est proposé par l'Église comme vérité divinement révélée, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel. 


Mais, parce qu'il est impossible sans la foi de plaire à Dieu et d'être compté au nombre de ses enfants, personne ne se trouve justifié sans elle, et ne parvient à la vie éternelle s'il n'y a persévéré jusqu'à la fin. Et pour que nous puissions satisfaire au devoir d'embrasser la vraie foi et d'y demeurer constamment attachés, Dieu, par son Fils unique, a institué l'Église et l'a pourvue de marques visibles de son institution, afin qu'elle puisse être reconnue de tous comme la gardienne et la maîtresse de la parole révélée. Car à l'Église catholique seule appartiennent tous ces caractères si nombreux et si admirables établis par Dieu pour rendre évidente la crédibilité de la foi chrétienne. Bien plus, l'Église, par elle-même, avec son admirable propagation, sa sainteté éminente et son inépuisable fécondité pour tout bien, avec son unité catholique et son immuable stabilité, est un grand et perpétuel argument de crédibilité, un témoignage irréfragable de sa mission divine. Et par là, il se fait que, comme un signe dressé au milieu des nations (Is. XI. 12), elle attire à elle ceux qui n'ont pas encore cru, et elle donne à ses enfants la certitude que la foi qu'ils professent repose sur un très solide fondement.


À ce témoignage s'ajoute le secours efficace de la vertu d'en-haut. Car le Seigneur très-miséricordieux excite et aide par sa grâce les errants, afin qu'ils puissent arriver à la connaissance de la vérité, et ceux qu'il a tirés des ténèbres à son admirable lumière, il les confirme par sa grâce afin qu'ils demeurent dans cette même lumière, n'abandonnant personne, à moins d'être abandonné. Aussi la condition de ceux qui ont adhéré à la vérité catholique par le don divin de la foi n'est nullement la même que celle de ceux qui, conduits par les opinions humaines, suivent une fausse religion ; car ceux qui ont embrassé la foi sous le ministère de l'Église ne peuvent jamais avoir un juste motif de l'abandonner et de révoquer en doute cette foi. C'est pourquoi, rendant grâces à Dieu le Père, qui nous a fait dignes de participer au sort des saints dans la lumière, ne négligeons pas le salut qui est d'un si grand prix ; mais plutôt, les yeux attachés sur Jésus, l'auteur et le consommateur de la foi, gardons le témoignage inébranlable de notre espérance.





CHAPITRE IV.


De la Foi et de la Raison.
Dans son enseignement qui n'a pas varié l'Église catholique a tenu et tient aussi qu'il existe deux ordres de connaissances, distincts non seulement par leur principe, mais encore par leur objet : par leur principe, attendu que dans l'un nous connaissons par la raison naturelle, dans l'autre par la foi divine ; par leur objet, parce qu'en dehors des choses auxquelles la raison naturelle peut atteindre, il y a des mystères cachés en Dieu, proposés à notre croyance, que nous ne pouvons connaître que par la révélation divine. C'est pourquoi l'Apôtre, qui atteste que Dieu est connu aux nations par les choses créées, dit cependant, à propos de la grâce et de la vérité qui a été faite par Jésus-Christ (Jean, I, 17) : " Nous parlons de la sagesse de Dieu en mystère, sagesse cachée que Dieu a prédestinée pour notre gloire avant les siècles, qu'aucun des princes de ce siècle n'a connue, mais que Dieu nous a révélée par son Esprit : car l'Esprit scrute toutes choses, les profondeurs même de Dieu (I. Cor. II, 7-9). " Et le Fils unique lui-même rend témoignage au Père de ce qu'il " a caché ces choses aux sages et aux prudents et les a révélées aux petits (Math. XI, 25). " 


Lorsque la raison, de son côté, éclairée par la foi, cherche soigneusement, pieusement et prudemment, elle saisit, par un don de Dieu, quelque intelligence et même très-fructueuse des mystères, tant par l'analogie des choses qu'elle connaît naturellement, que par le rapport des mystères entre eux et avec la fin dernière de l'homme ; mais elle ne devient jamais apte à les percevoir comme les vérités qui constituent son objet propre. Car les mystères divins surpassent tellement par leur nature l'intelligence créée, que, bien que transmis par la révélation et reçus par la foi, ils demeurent encore couverts du voile de la foi elle-même, et comme enveloppés d'une sorte de nuage, tant que nous voyageons en pèlerins dans cette vie mortelle, hors de Dieu ; " car nous marchons guidés par la foi et non par la vue (II. Cor. 5. 7). "


Mais quoique la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de véritable désaccord entre la foi et la raison ; car c'est le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi, qui a répandu dans l'esprit humain la lumière de la raison, et Dieu ne peut se nier lui-même, ni le vrai contredire jamais le vrai. Cette vaine apparence de contradiction vient principalement ou de ce que les dogmes de la foi n'ont pas été compris et exposés suivant l'esprit de l'Église, ou de ce que les écarts d'opinion sont pris pour des jugements de la raison. Nous déclarons donc toute proposition contraire à une vérité, attestée par la foi, absolument fausse (Concile de Latran V, Bulle Apostolici regiminis). De plus, l'Église, qui a reçu, avec la mission apostolique d'enseigner, le mandat de garder le dépôt de la foi, tient aussi de Dieu le droit et la charge de proscrire la fausse science, afin que nul ne soit trompé par la philosophie et la vaine sophistique (Coloss. II, 8). C'est pourquoi tous les chrétiens fidèles non-seulement ne doivent pas défendre comme des conclusions certaines de la science les opinions qu'on sait être contraires à la doctrine de la foi, surtout lorsqu'elles ont été réprouvées par l'Église ; mais encore ils sont obligés de les tenir bien plutôt pour des erreurs qui se couvrent de l'apparence trompeuse de la vérité.


Et non-seulement la foi et la raison ne peuvent jamais être en désaccord, mais elles se prêtent aussi un mutuel secours ; la droite raison démontre les fondements de la foi, et, éclairée par sa lumière, elle cultive la science des choses divines ; la foi délivre et prémunit la raison des erreurs, et l'enrichit d'amples connaissances. Bien loin donc que l'Église soit opposée à l'étude des arts et sciences humaines, elle la favorise et la propage de mille manières. Car elle n'ignore ni ne méprise les avantages qui en résultent pour la vie des hommes ; bien plus, elle reconnaît que les sciences et les arts venus de Dieu, le Maître des sciences, s'ils sont dirigés convenablement, conduisent à Dieu, avec l'aide de sa grâce ; et elle ne défend pas assurément que chacune de ces sciences, dans sa sphère, ne se serve de ses propres principes et de sa méthode particulière ; mais, tout en reconnaissant cette juste liberté, elle veille avec soin pour les empêcher de tomber dans l'erreur en se mettant en opposition avec la doctrine divine, ou en dépassant leurs limites propres pour envahir et troubler ce qui est du domaine de la foi.


Car la doctrine de la foi que Dieu a révélée n'a pas été livrée comme une invention philosophique aux perfectionnements de l'esprit humain, mais elle a été transmise comme un dépôt divin à l'Épouse du Christ pour être fidèlement gardée et infailliblement enseignée. Aussi doit-on toujours retenir le sens des dogmes sacrés que la sainte Mère Église a déterminé une fois pour toutes, et ne jamais s'en écarter sous prétexte et au nom d'une intelligence supérieure de ces dogmes. Croissent donc et se multiplient abondamment, dans chacun comme dans tous, chez tout homme aussi bien que dans toute l'Église, durant le cours des âges et des siècles, l'intelligence, la science et la sagesse ; mais seulement dans le rang qui leur convient, c'est-à-dire dans l'unité de dogme, de sens et de manière de voir (Vincent de Lérins, Common. n. 28).





CANONS.


I.


De Dieu Créateur de toutes choses.
I. Si quelqu'un nie un seul vrai Dieu, Créateur et maître des choses visibles et invisibles ; qu'il soit anathème.

II. Si quelqu'un ne rougit pas d'affirmer qu'en dehors de la matière, il n'existe rien ; qu'il soit anathème.

III. Si quelqu'un dit qu'il n'y a qu'une seule et même substance ou essence de Dieu et de toutes choses ; qu'il soit anathème.

IV. Si quelqu'un dit que les choses finies, soit corporelles, soit spirituelles, ou du moins les spirituelles, sont émanées de la substance divine ;

Ou que la divine essence par la manifestation ou l'évolution d'elle-même devient toutes choses ;

Ou enfin que Dieu est l'Être universel et indéfini qui, en se déterminant lui-même, constitue l'universalité des choses réparties en genres, espèces et individus ; qu'il soit anathème.

V. Si quelqu'un ne confesse pas que le monde et que toutes les choses qui y sont contenues soit spirituelles, soit matérielles, ont été, quant à toute leur substance, extraites du néant par Dieu ;

Ou dit que Dieu a créé, non par sa volonté libre de toute nécessité, mais aussi nécessairement que nécessairement il s'aime lui-même ;

Ou nie que le monde ait été fait pour la gloire de Dieu ; qu'il soit anathème.




II.


De la Révélation.
I. Si quelqu'un dit que Dieu unique et véritable, notre Créateur et Maître, ne peut pas être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine, au moyen des choses qui ont été créées ; qu'il soit anathème.

II. Si quelqu'un dit qu'il ne peut pas se faire, ou qu'il ne convient pas que l'homme soit instruit par la révélation divine sur Dieu et sur le culte qui doit lui être rendu ; qu'il soit anathème.

III. Si quelqu'un dit que l'homme ne peut pas être divinement élevé à une connaissance et à une perfection qui dépasse sa nature, mais qu'il peut et doit arriver de lui-même à la possession de toute vérité et de tout bien par un progrès continu ; qu'il soit anathème.

IV. Si quelqu'un ne reçoit pas dans leur intégrité, avec toutes leurs parties, comme sacrées et canoniques, les Livres de l'Écriture, comme le saint concile de Trente les a énumérés, ou nie qu'ils soient divinement inspirés ; qu'il soit anathème.




III.


De la Foi.
I. Si quelqu'un dit que la raison humaine est indépendante, de telle sorte que la foi ne peut pas lui être commandée par Dieu ; qu'il soit anathème.

II. Si quelqu'un dit que la foi divine ne se distingue pas de la science naturelle de Dieu et des choses morales, et que, par conséquent, il n'est pas requis pour la foi divine que la vérité révélée soit crue à cause de l'autorité de Dieu, qui en a fait la révélation ; qu'il soit anathème.

III. Si quelqu'un dit que la révélation divine ne peut devenir croyable par des signes extérieurs, et que, par conséquent, les hommes ne peuvent être amenés à la foi que par la seule expérience intérieure de chacun d'eux, ou par l'inspiration privée ; qu'il soit anathème.

IV. Si quelqu'un dit qu'il ne peut y avoir de miracles, et, par conséquent, que tous les récits de miracles, même ceux que contient l'Écriture sainte, doivent être relégués parmi les fables ou les mythes ; ou que les miracles ne peuvent jamais être connus avec certitude, et que l'origine divine de la religion chrétienne n'est pas valablement prouvée par eux ; qu'il soit anathème.

V. Si quelqu'un dit que l'assentiment à la foi chrétienne n'est pas libre, mais qu'il est produit nécessairement par les arguments de la raison humaine ; ou que la grâce de Dieu n'est nécessaire que pour la foi vivante, qui opère par la charité ; qu'il soit anathème.

VI. Si quelqu'un dit que les fidèles et ceux qui ne sont pas encore parvenus à la foi uniquement vraie sont dans une même situation, de telle sorte que les catholiques puissent avoir de justes motifs de mettre en doute la foi qu'ils ont reçue sous le magistère de l'Église, en suspendant leur assentiment jusqu'à ce qu'ils aient obtenu la démonstration scientifique de la crédibilité et de la vérité de leur foi ; qu'il soit anathème.




IV.


De la Foi et de la Raison.
I. Si quelqu'un dit que, dans la révélation divine, il n'y a aucun mystère vrai et proprement dit, mais que tous les dogmes de la foi peuvent être compris et démontrés par la raison convenablement cultivée, au moyen des principes naturels ; qu'il soit anathème.

II. Si quelqu'un dit que les sciences humaines doivent être traitées avec une telle liberté que l'on puisse tenir pour vraies leurs assertions, quand même elles seraient contraires à la doctrine révélée ; et que l'Église ne peut les proscrire ; qu'il soit anathème.

III. Si quelqu'un dit qu'il peut se faire qu'on doive quelquefois, selon le progrès de la science, attribuer aux dogmes proposés par l'Église un autre sens que celui qu'a entendu et qu'entend l'Église ; qu'il soit anathème.


C'est pourquoi, remplissant le devoir de Notre charge pastorale suprême, Nous conjurons par les entrailles de Jésus-Christ tous les fidèles du Christ, surtout ceux qui sont à leur tête ou qui sont chargés d'enseigner, et, par l'autorité de ce même Dieu, Notre Sauveur, Nous leur ordonnons d'apporter tout leur zèle et tous leurs soins à écarter et à éliminer de la sainte Église ces erreurs et à propager la très-pure lumière de la foi.


Mais, parce que ce n'est pas assez d'éviter le péché d'hérésie, si l'on ne fuit aussi diligemment les erreurs qui s'en rapprochent plus ou moins, Nous avertissons tous les chrétiens du devoir qui leur incombe d'observer les Constitutions et les Décrets par lesquels le Saint-Siège a proscrit et condamné les opinions perverses de ce genre, qui ne sont pas énumérées ici tout au long. 


Donné à Rome, en session publique solennellement célébrée dans la basilique Vaticane, l'an de l'Incarnation de Notre-Seigneur mil huit cent soixante-dixième, le vingt-quatrième jour d'avril, la vingt-quatrième année de Notre Pontificat.

C'est ainsi.


 
Ier CONCILE DU VATICAN (XXe OECUMÉNIQUE) 
4e session (18 juillet 1870)


Ière CONSTITUTION DOGMATIQUE " PASTOR AETERNUS "
L'éternel pasteur et gardien de nos âmes [1 P 2, 26], pour perpétuer l'oeuvre salutaire de la Rédemption, a décidé d'édifier la sainte Église dans laquelle, comme en la maison du Dieu vivant, tous les fidèles seraient rassemblés par le lien d'une seule foi et d'une seule charité. C'est pourquoi, avant d'être glorifié, " il pria son Père ", non seulement pour les Apôtres, " mais aussi pour ceux qui croiraient en lui, à cause de leur parole, pour que tous soient un, comme le Fils et le Père sont un " [Jn 17, 20 sv.]. De même qu'il " envoya " les Apôtres qu'il s'était choisis dans le monde, " comme lui-même avait été envoyé par le Père " [Jn 20, 21], de même il voulut qu'il y eût en son Église des pasteurs et des docteurs " jusqu'à la fin du monde " [Mt 28, 20].


Pour que l'épiscopat fût un et non-divisé, pour que, grâce à l'union étroite et réciproque des pontifes, la multitude entière des croyants fût gardée dans l'unité de la foi et de la communion, plaçant le bienheureux Pierre au-dessus des autres Apôtres, il établit en sa personne le principe durable et le fondement visible de cette double unité. Sur sa solidité se bâtirait le temple éternel et sur la fermeté de cette foi s'élèverait l'Église dont la grandeur doit toucher le ciel (1). Parce que les portes de l'enfer se dressent de toutes parts avec une haine de jour en jour croissante contre ce fondement établi par Dieu, pour renverser, s'il se pouvait, l'Église, Nous jugeons nécessaire pour la protection, la sauvegarde et l'accroissement du troupeau catholique, avec l'approbation du saint concile, de proposer à tous les fidèles la doctrine qu'ils doivent croire et tenir sur l'institution, la perpétuité et la nature de la primauté du Siège apostolique, sur lequel repose la force et la solidité de l'Église, conformément à la foi antique et constante de l'Église universelle, et aussi de proscrire et de condamner les erreurs contraires, si pernicieuses pour le troupeau du Seigneur.


(1) : LÉON LE GRAND, Sermo 4, 2 : PL 54, 150 C.



Ch. 1 : L'institution de la primauté apostolique dans le bienheureux Pierre


Nous enseignons donc et nous déclarons, suivant les témoignages de l'Évangile, que la primauté de juridiction sur toute l'Église de Dieu a été promise et donnée immédiatement et directement au bienheureux Apôtre Pierre par le Christ notre Seigneur. C'est, en effet, au seul Simon, auquel il avait déjà été dit : " Tu t'appelleras Céphas " [Jn 1,42], après que celui-ci l'avait confessé en ces termes : " Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ", que le Seigneur adressa ces paroles solennelles : " Bienheureux es-tu, Simon, fils de Jona, car ce n'est ni la chair ni le sang qui te l'ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux ; et moi, je te dis que tu es Pierre et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle. Et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel " [Mt 16, 16 sv.]. Et c'est au seul Simon Pierre que Jésus, après sa résurrection, conféra la juridiction de souverain pasteur et de chef suprême sur tout son troupeau en disant : " Pais mes agneaux, pais mes brebis " [Jn 21,15 sv.]. 


Cette doctrine si claire des saintes Écritures se voit opposer ouvertement l'opinion fausse de ceux qui, pervertissant la forme de gouvernement instituée par le Christ notre Seigneur, nient que Pierre seul se voit vu doté par le Christ d'une primauté de juridiction véritable et proprement dite, de préférence aux autres Apôtres, pris soit isolément soit tous ensemble, ou de ceux qui affirment que cette primauté n'a pas été conférée directement et immédiatement au bienheureux Pierre, mais à l'Église et, par celle-ci, à Pierre comme à son ministre.


Si quelqu'un donc dit que le bienheureux Apôtre Pierre n'a pas été établi par le Christ notre Seigneur chef de tous les Apôtres et tête visible de toute l'Église militante ; ou que ce même Apôtre n'a reçu directement et immédiatement du Christ notre Seigneur qu'une primauté d'honneur et non une primauté de juridiction véritable et proprement dite, qu'il soit anathème.



Ch. 2 : la perpétuité de la primauté du bienheureux Pierre dans les Pontifes romains 


Ce que le Christ notre Seigneur, chef des pasteurs, pasteur suprême des brebis, a institué pour le salut éternel et le bien perpétuel de l'Église doit nécessairement, par cette même autorité, durer toujours dans l'Église, qui, fondée sur la pierre, subsistera ferme jusqu'à la fin des siècles. " Personne ne doute, et tous les siècles savent que le saint et très bienheureux Pierre, chef et tête des Apôtres, colonne de la foi, fondement de l'Église catholique, a reçu les clés du Royaume de notre Seigneur Jésus-Christ, Sauveur et Rédempteur du genre humain : jusqu'à maintenant et toujours, c'est lui qui, dans la personne de ses successeurs ", les évêques du Saint-Siège de Rome, fondé par lui et consacré par son sang, " vit ", préside " et exerce le pouvoir de juger " (*).


* : Concile d'Éphèse (IIIe oecuménique), 3e session (11 juillet 431), discours du prêtre Philippe.


Dès lors, quiconque succède à Pierre en cette chaire reçoit, de par l'institution du Christ lui-même, la primauté de Pierre sur toute l'Église. " Ainsi demeure ce qu'ordonna la vérité, et le bienheureux Pierre, gardant toujours cette solidité de pierre qu'il a reçue, n'a pas laissé le gouvernail de l'Église (1). " Voilà pourquoi c'est vers l'Église romaine, " par suite de son origine supérieure " (2), qu'il a toujours été nécessaire que chaque Église, c'est-à-dire les fidèles de partout, se tournent, afin qu'ils ne fassent qu'un en ce Saint-Siège, d'où découlent sur tous " les droits de la vénérable communion " (3), comme des membres unis à la tête dans l'assemblage d'un seul corps.


Si donc quelqu'un dit que ce n'est pas par l'institution du Christ ou de droit divin que le bienheureux Pierre a des successeurs dans sa primauté sur l'Église universelle, ou que le Pontife romain n'est pas le successeur du bienheureux Pierre en cette primauté, qu'il soit anathème. 


(1) LÉON LE GRAND, Sermo 4, 3 : PL 54, 164 B.

(2) IRÉNÉE DE LYON, Adversus haereses, l. 3, c. 3, 1 : PG 7, 849 A.

(3) AMBROISE DE MILAN, Epist. 11, c. 4 : PL 16, 946 A.



Ch. 3 : Pouvoir et nature de la primauté du Pontife romain


C'est pourquoi, Nous fondant sur le témoignage évident des saintes Lettres et suivant les décrets explicitement définis de nos prédécesseurs, les Pontifes romains, comme des conciles généraux, nous renouvelons la définition du concile oecuménique de Florence, qui impose aux fidèles de croire que " le Saint-Siège apostolique et le Pontife romain possèdent la primauté sur toute la terre ; que ce Pontife romain est le successeur du bienheureux Pierre, le chef des Apôtres et le vrai vicaire du Christ, la tête de toute l'Église, le père et le docteur de tous les chrétiens ; qu'à lui, dans la personne du bienheureux Pierre, a été confié par notre Seigneur Jésus-Christ plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner toute l'Église comme le disent les actes des conciles oecuméniques et les saints canons " (*). 


* : Concile de Florence (XVIIe oecuménique), Bulle " Laetentur Coeli " d'Eugène IV, 6 juillet 1439, décret pour les Grecs.


En conséquence, Nous enseignons et déclarons que l'Église romaine possède sur toutes les autres, par disposition du Seigneur, une primauté de pouvoir ordinaire, et que ce pouvoir de juridiction du Pontife romain, vraiment épiscopal, est immédiat. Les pasteurs de tout rang et de tout rite et les fidèles, chacun séparément ou tous ensemble, sont tenus au devoir de subordination hiérarchique et de vraie obéissance, non seulement dans les questions qui concernent la foi et les moeurs, mais aussi dans celles qui touchent à la discipline et au gouvernement de l'Église répandue dans le monde entier. Ainsi, en gardant l'unit de communion et de profession de foi avec le Pontife romain, l'Église est un seul troupeau sous un seul pasteur. Telle est la doctrine de la vérité catholique, dont personne ne peut s'écarter sans danger pour sa foi et son salut.


Ce pouvoir du Souverain Pontife ne fait nullement obstacle au pouvoir de juridiction épiscopal ordinaire et immédiat, par lequel les évêques, établis par l'Esprit Saint [Ac 20, 28] successeurs des Ap6tres, paissent et gouvernent en vrais pasteurs chacun le troupeau à lui confié. Au contraire, ce pouvoir est affirmé, affermi et défendu par le pasteur suprême et universel, comme le dit saint Grégoire le Grand : " Mon honneur est l'honneur de l'Église universelle. Mon honneur est la force solide de mes frères. Lorsqu'on rend à chacun l'honneur qui lui est dû, alors je suis honoré " (1).


(1) GRÉGOIRE LE GRAND, Epist. ad Eulogium Alexandrinum, l. 8, c. 30 : PL 77, 983 C.


Dès lors, de ce pouvoir suprême qu'a le Pontife romain de gouverner toute l'Église résulte pour lui le droit de communiquer librement, dans l'exercice de sa charge, avec les pasteurs et les troupeaux de toute l'Église, pour pouvoir les enseigner et les gouverner dans la voie du salut. C'est pourquoi nous condamnons et réprouvons les opinions de ceux qui disent qu'on peut légitimement empêcher cette communication du chef suprême avec les pasteurs et les troupeaux, ou qui l'assujettissent au pouvoir civil, en prétendant que ce qui est décidé par le Siège apostolique ou par son autorité pour le gouvernement de l'Église n'a de force ni de valeur que si le placet du pouvoir civil le confirme.


Parce que le droit divin de la primauté apostolique place le Pontife romain au-dessus de toute l'Église, nous enseignons et déclarons encore qu'il est le juge suprême des fidèles et que, dans toutes les causes qui touchent à la juridiction ecclésiastique, on peut faire recours à son jugement. Le jugement du Siège apostolique, auquel aucune autorité n'est supérieure, ne doit être remis en question par personne, et personne n'a le droit de juger ses décisions. C'est pourquoi ceux qui affirment qu'il est permis d'en appeler des jugements du Pontife romain au concile oecuménique comme à une autorité supérieure à ce Pontife, s'écartent du chemin de la vérité. 


Si donc quelqu'un dit que le Pontife romain n'a qu'une charge d'inspection ou de direction et non un pouvoir plénier et souverain de juridiction sur toute l'Église, non seulement en ce qui touche à la foi et aux moeurs, mais encore en ce qui touche à la discipline et au gouvernement de l'Église répandue dans le monde entier, ou qu'il n'a qu'une part plus importante et non la plénitude totale de ce pouvoir suprême ; ou que son pouvoir n'est pas ordinaire ni immédiat sur toutes et chacune des églises comme sur tous et chacun des pasteurs et des fidèles, qu'il soit anathème.



Ch. 4 : Le magistère infaillible du Pontife romain


La primauté apostolique que le Pontife romain, en tant que successeur de Pierre, chef des Apôtres, possède dans l'Église universelle, comprend aussi le pouvoir suprême du magistère : le Saint-Siège l'a toujours tenu, l'usage perpétuel des Églises le prouve, et les conciles oecuméniques, surtout ceux où l'Orient se rencontrait avec l'Occident dans l'union de la foi et de la charité, l'ont déclaré.


Les Pères du IVe concile de Constantinople, suivant les traces de leurs ancêtres, émirent cette solennelle profession de foi : " La condition première du salut est de garder la règle de la foi orthodoxe... On ne peut, en effet, négliger la parole de notre Seigneur Jésus-Christ qui dit : 'Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église' [Mt 16, 18]. Cette affirmation se vérifie dans les faits, car la religion catholique a toujours été gardée sans tache dans le Siège apostolique. Désireux de ne nous séparer en rien de sa foi et de sa doctrine... nous espérons mériter de demeurer unis en cette communion que prêche le Siège apostolique, en qui réside, entière et vraie, la solidité de la religion chrétienne " (1). 


(1) En fait, ce texte reprend, en l'abrégeant, la formule du pape Hormisdas (11 août 515), dont le IVe concile de Constantinople ne citait que la fin.



Avec l'approbation du IIe concile de Lyon, les Grecs ont professé : " La sainte Église romaine possède aussi la primauté souveraine et l'autorité entière sur l'ensemble de l'Église catholique. Elle reconnaît sincèrement et humblement l'avoir reçue, avec la plénitude du pouvoir, du Seigneur lui-même, en la personne du bienheureux Pierre, chef ou tête des Apôtres, dont le Pontife romain est le successeur. Et comme elle doit, par-dessus tout, défendre la vérité de la foi, ainsi les questions qui surgiraient à propos de la foi doivent être définies par son jugement " (*).


* : IIe concile de Lyon, (XIVe oecuménique), 4e session (6 juillet 1274), profession de foi de Michel Paléologue.


Enfin, le concile de Florence a défini : " Le Pontife romain est le vrai vicaire du Christ, la tête de toute l'Église, le père et le docteur de tous les chrétiens ; à lui, dans la personne du bienheureux Pierre, a été confié par notre Seigneur Jésus-Christ plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner toute l'Église " (*).


* : Concile de Florence (XVIIe oecuménique), Bulle " Laetentur Coeli " d'Eugène IV, 6 juillet 1439, décret pour les Grecs.


Pour s'acquitter de leur charge pastorale, nos prédécesseurs ont travaillé infatigablement à la propagation de la doctrine salutaire du Christ parmi tous les peuples de la terre, et ils ont veillé avec un soin égal à sa conservation authentique et pure, là où elle avait été reçue. C'est pourquoi les évêques du monde entier, tantôt individuellement, tantôt réunis en synodes, en suivant la longue coutume des églises et les formes de la règle antique, ont communiqué au Siège apostolique les dangers particuliers qui surgissaient en matière de foi, pour que les dommages causés à la foi fussent réparés là où elle ne saurait subir de défaillance. Les Pontifes romains, selon que l'exigeaient les conditions des temps et des choses, tantôt convoquèrent des conciles oecuméniques ou sondèrent l'opinion de l'Église répandue sur la terre, tantôt par des synodes particuliers, tantôt grâce à des moyens que leur fournissait la Providence, ont défini qu'on devait tenir ce qu'ils reconnaissaient, avec l'aide de Dieu, comme conforme aux saintes Lettres et aux traditions apostoliques.


Car le Saint Esprit n'a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu'ils fassent connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine, mais pour qu'avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c'est-à-dire le dépôt de la foi.


Leur doctrine apostolique a été reçue par tous les Pères vénérés, révérée et suivie par les saints docteurs orthodoxes. Ils savaient parfaitement que ce siège de Pierre demeurait pur de toute erreur, aux termes de la promesse divine de notre Seigneur et Sauveur au chef de ses disciples : " J'ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas ; et quand tu seras revenu, affermis tes frères " [Lc 22, 32]. 


Ce charisme de vérité et de foi à jamais indéfectible a été accordé par Dieu à Pierre et à ses successeurs en cette chaire, afin qu'ils remplissent leur haute charge pour le salut de tous, afin que le troupeau universel du Christ, écarté des nourritures empoisonnées de l'erreur, soit nourri de l'aliment de la doctrine céleste, afin que, toute occasion de schisme étant supprimée, l'Église soit conservée tout entière dans l'unité et qu'établie sur son fondement elle tienne ferme contre les portes de l'enfer. 


Mais comme en ce temps, qui exige au plus haut point l'efficacité salutaire de la charge apostolique, il ne manque pas l'hommes qui en contestent l'autorité, Nous avons jugé absolument nécessaire d'affirmer solennellement la prérogative que le Fils unique de Dieu a daigné joindre à la fonction pastorale suprême. 


C'est pourquoi, nous attachant fidèlement à la tradition reçue dès l'origine de la foi chrétienne, pour la gloire de Dieu notre Sauveur, pour l'exaltation de la religion catholique et le salut des peuples chrétiens, avec l'approbation du saint concile, nous enseignons et définissons comme un dogme révélé de Dieu :


Le Pontife romain, lorsqu'il parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine sur la foi ou les moeurs doit être tenue par toute l'Église, jouit, par l'assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue son Église, lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi et les moeurs. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l'Église.


Si quelqu'un, ce qu'à Dieu ne plaise, avait la présomption de contredire notre définition, qu'il soit anathème.